Groupe F.T.P.F "Chanzy"
La Résistance dans la région Centre.




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Réquisitoire. Plaidoiries. Dans l'attente
du verdict.
Verdict.

Sources documentaires:
"la République du Centre"

Orléans
L’affaire des fusillés de Chartres et d’Orléans
devant la Cour de Justice
du 3 septembre au 12 septembre 1945

Le Commissaire du gouvernement requiert
la peine de mort
pour Méresse et Denuzières.


" J'assure les familles que la justice passera " dit M.Larrieu.

Le publiLes débats de cette affaire qui passionne l'opinion publique orléanaise depuis une semaine seront moins longs qu'on ne le prévoyait.

Plus de quaranter témoins sur les cent cinquante qui ont été cités ne sont pas venus. Aussi M. Larrieu, Commissaire du Gouvernement, a-t-il pu prononcer vendredi le réquisitoire qui n'était attendu que pour samedi soir ou lundi matin.

Les derniers témoins.

Quelques témoins à décharge sont encore entendus.

M. Mallein, commissaire de police aux Renseignements généraux de Bourges, qui était en relations avec le maquis de Mehun-sur-Yèvres, déclare que Breton lui a sauvé la vie en le prévenant que la milice allait l'arrêter. Il put s'enfuir à temps. Breton aurait transporté des armes dans la voiture de la police. En revanche, le témoin accuse Duché d'avoir fait des rapports sur le maquis de Mehun.

Au contraire un autre témoin, M. Debard, dit que Duché l'a fait passer au maquis. L'inspecteur Suizelles, de son côté, déclare que Duché a organisé la fuite du commissaire Pommet, recherché par la police.

M. Gaston Benier, ingénieur T.P.E., en retraite a été arrêté au cours de l'affaire Jenot. Il fut interrogé pendant deux jours par Denuzières. Il n'a pas été brutalisé, mais il a vu le pitoyable état de Jenot. M. Bernier est cité par Verney qui siégea avec lui à la commission de vérification des mandats d'internement. Il déclare que l'ex-commissaire a rempli correctement cette fonction et qu'il n'était pas le moins rigoureux pour servir contre les collaborateurs.

C'est aussi ce que déclare M. Petitjean, secrétaire général pour la police, dont Verney fut chef de cabinet.

M. Wagner, substitut du Procureur général d'Amiens, a été cité comme témoin. Il rappelle que le 1er mai 1942, alors qu'il était Procureur de la République à Blois il fut appelé à Romorantin où deux feldgendarmes avaient été tués par des Français distribuant des tracts communistes. La 5ème brigade de sûreté enquêtait sous les ordres du commissaire divisionnaire Devynck.

" Ce dernier sabotait l'enquête, dit M. Wagner, et s'arrangeait pour laisser aux coupables le temps de fuir. "

Les Allemands étaient sur les dents et voulaient exercer des représailles sur la population de Romorantin, menaçant également d'arrêter M. Wagner, Devynck et différentes autorités. Un colonel SS vint diriger les recherches et donna une demi-heure au commissaire Devynck pour lui désigner 25 otages communistes. Devynck refusa catégoriquement.

" Il a eu, ajoute le témoin, une attitude très courageuse. "

M. Wagne ajoute que Devynck lui dit un jour: " Je suis dégoûté de ce qu'on impose à la police. Mais si je m'en vais, on mettrait un milicien à ma place. "

M. Pierre Nicaud, président du C.L.L., de Fleury, déclare que Viviani est intervenu pour le sauver de l'internement en 1941 et l'a prévenu en 1943 que son activité était surveillée.

Enfin, M. Buison, ex-inspecteur au service de diffusion de la 5ème brigade, signale que Devynck lui avait interdit de transmettre les listes de permissionnaires qui n'étaient pas repartis en Allemagne. Avant la libération il fit l'impossible pour éloigner le sinistre intendant Blondont et envoya des agents de renseignements aux troupes américaines. Parti en mission sur la rive gauche de la Loire, le 16 août 1944, il dut repasser sur les ruines du pont de Vierzon devant les Allemands pour rentrer en ville.

Le Réquisitoire.

Il est 15 heures quand M. Larrieu a la parole pour son réquisitoire. C'est avec émotion qu'il évoquera tout d'abord cette journée du 1erer octobre 1943, où dans cette même salle, un juge allemand prononçait la peine capitale contre 17 patriotes.

" Tous acceptèrent cette sentence sans une plainte. Louis Chevrin traduisit la pensée des ses camarades par ses fières paroles:
- je suis soldat, j'ai été pris, je paie, c'est normal. - "

malgré un appel à la pitié des autorités françaises les Allemands se montrèrent inflexibles. Les malheureux furent exécutés. Cinq mois plus tard une affaire plus importante éclatait en Eure-et-Loir et 31 patriotes étaient encore assassinés.

La justice passera.

S'étant incliné avec une émotion visible devant la douleur des familles, M. Larrieu ajouta:
" Je tiens à les assurer non pas qu'ils seront vengés, mais que la justice passera.

Se tournant vers les jurés le Commissaire du Gouvernement leur dit:

Vous aurez à apprécier comment furent arrêtés et martyrisés des 45 Français à la suite des agissements d'autres Français."

Et dans un réquisitoire sobre, sans effets oratoires, mais d'une netteté, d'une conscience et d'une objectivité remarquable, M. Larrieu exposa les différentes affaires telles qu'elles ressortent du dossier et des débats. son exposé durera prés de quatre heures. Il ne laissera rien dans l'ombre, ni les charges énormes qui pèsent sur les accusés, ni les actes qui sont en leur faveur.

Il tient à signaler que Fourcade, " Riton " et les bandits de la S.P.A.C. seront jugés à Paris et n'échapperont pas au châtiment qu'ils méritent. Méresse, " dont les mains sont tachées du sang de ses frères ", est un abominable traître, et M. Larrieu rappelle toutes les charges qui pèsent sur lui. Il souligne aussi l'abjection des procédés employés par Denuzières, ce fonctionnaire vantard et orgueilleux, qui fut à la base de la plupart des arrestations d'Eure-et-Loir.

Le Baube poussait les policiers à la répression et engagea Verney à enquêter sur les agissements des patriotes. Son crime principal est d'avoir appelé la S.P.A.C. en Eure-et-Loir.

Verney, s'il a fait preuve de zèle dans bien des cas, a cependant, montré de l'indépendance en rédigeant un rapport courageux sur la vie scandaleuse du sinistre Jean Luchaire, qu'il était chargé de protéger lors d'un de ses voyages.

Devynck, lui aussi, a fait preuve de zèle et poussé l'activité de sa brigade politique, mais il a essayé de faire passer toutes ses affaires à la justice française et garde à son actif des actes de résistance.

C'est aussi le cas de Viviani.

Ayant examiné ainsi le cas de chaque accusé, le Ministère public poursuit:
" Ce procès est un peu celui de la 5ème brigade mobile. Mais ce n'est pas parce que certains policiers ont faibli que la boue qui salit les uns doit rejaillir sur les autres. "

et il donne lecture d'une lettre du commissaire Deschamps qui s'exprime ainsi:


Derrière les accusés, ou certains témoins ayant appartenu à la police, il traîne un lourd nuage.

Perquisitions illégales, arrestations non justifiées, détention prolongée, sévices et contrainte morale, ont été mis en oeuvre, soit par une application d'ordres mal donnés ou mal compris, soit dans un désir personnel de réussir une affaire, soit par un esprit de lucre, soit enfin pour assouvir des haines personnelles contre des hommes qui n'avaient pas les mêmes idées que ceux qui commandaient à l'époque.

C'est une pénible hérédité que la police va supporter et tout particulièrement la 5ème Brigade, hérédité dont elle n'est pas responsable et dont elle souffre.

Il ne reste, à cette dernière, qu'une ressource: le travail dans la légalité, dans l'honneur et la droiture, tel qu'il été accompli depuis un an.

Il faut que le public sache par votre voix hautement autorisée que nous sommes restés les défenseurs de l'ordre et les auxilliaires totalement dévoués de la justice.

Ayant dit approbation à cette lettre, le Commissaire du Gouvernement examine les peines qui doivent être appliquées aux accusés.

Tous les accusés encourent la peine de mort.

" Tous les accusés, conclut-il, encourent la peine de mort. Je la requiers pour les cinq traîtres en fuite. Deux accusés qui sont dans ce box ne méritent pas la moindre pitié. Denuzières et Méresse doivent subir la peine capitale. Je la requiers contre l'un et l'autre. "

" Pour les autres, je vous laisse le soin de juger si certains d'entre eux méritent les circonstances atténuantes. N'oubliez pas que plane sur nous l'ombre des Français qui sont courageusement tombés sous les balles allemandes. Vous accomplirez votre tâche sans aucune défaillance. "


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